
La cession d’un bail commercial représente une opération juridique courante dans le monde des affaires, mais elle peut se heurter à des obstacles réglementaires insurmontables, notamment lorsque le Plan Local d’Urbanisme (PLU) s’oppose à la poursuite de l’activité envisagée par le cessionnaire. Cette situation crée une tension entre la liberté contractuelle des parties et les impératifs d’aménagement du territoire. Les tribunaux français ont développé une jurisprudence nuancée sur cette question, reconnaissant tantôt la force majeure, tantôt imposant l’exécution du contrat malgré les difficultés rencontrées. Face à ces contradictions, professionnels du droit et commerçants doivent naviguer avec précaution dans ce labyrinthe juridique où s’entremêlent droit commercial, droit de l’urbanisme et droit des obligations.
Fondements juridiques de la cession du bail commercial face aux contraintes d’urbanisme
La cession de bail commercial constitue une opération encadrée par le Code de commerce, principalement par les articles L.145-1 et suivants. Cette transmission contractuelle permet à un commerçant de transférer ses droits et obligations à un tiers, souvent lors de la vente d’un fonds de commerce. Toutefois, ce mécanisme de transmission se trouve parfois confronté aux règles d’urbanisme, créant ainsi une friction entre deux corpus juridiques distincts.
Le Plan Local d’Urbanisme représente le document fondamental qui détermine les possibilités d’utilisation des sols sur un territoire communal. Élaboré par les collectivités territoriales, il définit les zones constructibles, les secteurs protégés et réglemente l’usage des bâtiments. Sa force contraignante s’impose à tous, y compris aux parties d’un contrat de bail commercial.
La jurisprudence de la Cour de cassation a progressivement précisé l’articulation entre ces deux ensembles normatifs. Dans un arrêt du 13 juillet 2006 (Cass. 3e civ., n°05-10856), les magistrats ont affirmé que « les règles d’urbanisme sont d’ordre public et s’imposent aux conventions conclues entre particuliers ». Cette position fondamentale rappelle la hiérarchie des normes applicable en la matière.
L’inexécutabilité d’une cession de bail commercial peut survenir dans plusieurs configurations urbanistiques :
- Modification du PLU postérieure à la conclusion du bail initial
- Changement de destination des locaux incompatible avec le zonage
- Restrictions spécifiques liées à certaines activités (nuisances sonores, environnementales)
- Servitudes d’urbanisme affectant l’immeuble
Le principe de non-rétroactivité des règles d’urbanisme constitue une protection relative pour les commerçants. En effet, l’article L.160-5 du Code de l’urbanisme précise que les servitudes d’urbanisme n’ouvrent droit à aucune indemnité, sauf dans des cas exceptionnels. Cette absence d’indemnisation peut aggraver la situation du preneur souhaitant céder son bail.
La clause d’agrément insérée dans de nombreux baux commerciaux complique davantage la situation. Cette stipulation contractuelle permet au bailleur de contrôler l’identité et l’activité du cessionnaire. Lorsque le PLU rend impossible la poursuite de l’activité envisagée, le bailleur peut légitimement refuser son agrément, bloquant ainsi définitivement l’opération de cession.
Le droit des obligations intervient en dernier ressort pour qualifier cette situation. L’article 1218 du Code civil définit la force majeure comme « un événement échappant au contrôle du débiteur […] dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées ». La question centrale devient alors : les restrictions du PLU constituent-elles un cas de force majeure libératoire pour le cédant qui ne peut finaliser la transaction prévue?
Analyse jurisprudentielle des situations d’impossibilité de cession liées au PLU
L’examen des décisions judiciaires révèle une approche nuancée de la Cour de cassation face aux situations où le PLU entrave une cession de bail commercial. L’arrêt fondateur du 27 septembre 2011 (Cass. 3e civ., n°10-24857) a établi qu’un changement de destination incompatible avec le PLU ne constitue pas nécessairement un cas de force majeure permettant d’échapper aux obligations contractuelles.
Dans cette affaire, un locataire avait cessé de payer ses loyers en invoquant l’impossibilité de céder son bail en raison des nouvelles dispositions du PLU. La Haute juridiction a rejeté cet argument, considérant que le preneur restait tenu de ses obligations locatives tant qu’il n’avait pas restitué les lieux au bailleur, indépendamment des difficultés rencontrées pour céder le bail.
En revanche, dans un arrêt du 15 décembre 2015 (Cass. 3e civ., n°14-24071), les magistrats ont adopté une position plus favorable au preneur. Ils ont reconnu que l’impossibilité de céder le bail en raison d’une interdiction d’urbanisme pouvait constituer un motif légitime de résiliation anticipée, sans indemnité pour le bailleur. Cette décision nuance la rigueur apparente de la jurisprudence antérieure.
Les juridictions du fond ont développé une approche pragmatique, tenant compte des circonstances particulières de chaque espèce. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 14 mars 2018, a ainsi considéré que l’adoption d’un PLU rendant impossible l’exercice de l’activité prévue par un cessionnaire pouvait justifier l’annulation de la promesse de cession pour erreur sur une qualité substantielle.
Distinction entre impossibilité absolue et relative
Une ligne de fracture jurisprudentielle apparaît entre les situations d’impossibilité absolue et relative :
- L’impossibilité absolue survient lorsque aucune activité commerciale n’est plus autorisée dans les locaux
- L’impossibilité relative concerne les cas où seule l’activité envisagée par le cessionnaire est interdite
Dans un arrêt du 18 mai 2017 (Cass. 3e civ., n°16-14599), la Cour de cassation a précisé que l’impossibilité absolue pouvait être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil, entraînant la résiliation du bail sans indemnité. À l’inverse, l’impossibilité relative ne permet généralement pas d’échapper aux obligations contractuelles.
Le Conseil d’État a apporté sa contribution à cette problématique en validant, dans une décision du 7 octobre 2016 (CE, n°395211), la légalité de dispositions d’un PLU limitant certaines activités commerciales dans des zones spécifiques. Cette validation renforce la légitimité des restrictions d’urbanisme opposées aux cessions de baux commerciaux.
Les tribunaux administratifs examinent avec attention la proportionnalité des restrictions imposées par les PLU. Dans un jugement du Tribunal administratif de Marseille du 12 novembre 2019, les juges ont annulé partiellement un PLU qui interdisait de façon excessive certaines activités commerciales sans justification suffisante d’intérêt général.
La temporalité de l’adoption du PLU par rapport à la conclusion du bail constitue un élément déterminant dans l’analyse judiciaire. Les juges tendent à protéger davantage les preneurs confrontés à un changement de réglementation postérieur à leur installation, considérant qu’il s’agit d’un fait imprévisible échappant à leur contrôle.
Conséquences juridiques et responsabilités des parties
Lorsque le PLU rend inexécutable une cession de bail commercial, plusieurs mécanismes de responsabilité peuvent être activés. La première question concerne la survie du contrat initial. En principe, l’impossibilité de céder n’affecte pas la validité du bail entre le bailleur et le preneur initial, qui reste tenu à l’exécution de ses obligations, notamment le paiement des loyers.
La responsabilité contractuelle du cédant vis-à-vis du cessionnaire potentiel peut être engagée si la promesse de cession ne peut être honorée. Dans un arrêt du 11 octobre 2018, la Cour d’appel de Lyon a condamné un cédant à indemniser un cessionnaire pour ne pas l’avoir informé des contraintes d’urbanisme rendant impossible l’exploitation envisagée.
L’obligation d’information et de conseil pèse également sur les professionnels qui interviennent dans la transaction :
- L’agent immobilier doit vérifier la compatibilité du projet avec le PLU
- Le notaire a l’obligation de s’assurer de la faisabilité juridique de l’opération
- L’avocat doit alerter son client sur les risques liés aux contraintes d’urbanisme
La Cour de cassation a renforcé cette obligation dans un arrêt du 7 mai 2019 (Cass. 1ère civ., n°18-15.335), en considérant que le notaire commet une faute en ne vérifiant pas la compatibilité de l’activité projetée avec les règles d’urbanisme applicables, engageant ainsi sa responsabilité professionnelle.
Concernant la résiliation anticipée du bail, plusieurs fondements juridiques peuvent être invoqués :
La théorie des risques et la force majeure
L’article 1218 du Code civil permet d’invoquer la force majeure lorsque trois conditions cumulatives sont réunies : l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité. Dans un arrêt du 23 novembre 2017, la Cour d’appel de Versailles a admis que l’adoption d’un nouveau PLU interdisant l’activité commerciale dans une zone pouvait constituer un cas de force majeure justifiant la résiliation sans indemnité.
Toutefois, cette qualification reste exceptionnelle et soumise à une appréciation stricte des juges. La Cour de cassation exige que l’impossibilité soit absolue et définitive, et non simplement plus onéreuse ou plus difficile pour le preneur.
La perte partielle de la chose louée
L’article 1722 du Code civil prévoit que si la chose louée est détruite en partie, le preneur peut demander une diminution du prix ou la résiliation du bail. Par extension, la jurisprudence a parfois assimilé l’impossibilité juridique d’exercer une activité commerciale à une forme de perte partielle de la chose louée.
Dans un arrêt du 9 mars 2018, la Cour d’appel de Bordeaux a ainsi admis la résiliation du bail sur ce fondement, lorsque le PLU avait rendu impossible l’exercice de toute activité commerciale dans les locaux, privant ainsi le bail de son objet principal.
La responsabilité de la collectivité territoriale auteur du PLU reste exceptionnellement engagée. Le principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme prévu à l’article L.160-5 du Code de l’urbanisme fait obstacle à la plupart des actions en responsabilité. Néanmoins, dans des circonstances exceptionnelles, lorsque le préjudice est anormal et spécial, une indemnisation peut être obtenue devant le juge administratif.
Stratégies préventives et clauses contractuelles adaptées
Face aux risques d’inexécutabilité liés au PLU, plusieurs stratégies préventives peuvent être déployées par les parties au contrat de bail commercial. La première consiste à effectuer un audit urbanistique approfondi avant toute signature. Cette diligence implique la consultation du certificat d’urbanisme et l’examen détaillé des dispositions du PLU applicables à la zone concernée.
L’insertion de clauses spécifiques dans le contrat de bail constitue une protection efficace contre les aléas réglementaires. Parmi les stipulations les plus pertinentes figurent :
La clause de compatibilité avec le PLU
Cette clause conditionne expressément la validité du bail ou sa cession à la compatibilité de l’activité envisagée avec les dispositions du PLU. Elle peut être rédigée comme suit : « Le preneur reconnaît avoir vérifié que l’activité de [description] est compatible avec les dispositions du Plan Local d’Urbanisme en vigueur. Toute modification ultérieure du PLU rendant impossible l’exercice de cette activité pourra constituer un motif légitime de résiliation anticipée à l’initiative du preneur, sans indemnité due au bailleur. »
La jurisprudence reconnaît la validité de telles clauses, comme l’illustre un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 27 juin 2018, qui a fait application d’une stipulation similaire pour autoriser la résiliation anticipée d’un bail commercial.
La clause de garantie urbanistique
Par cette stipulation, le bailleur garantit au preneur que les locaux sont conformes aux règles d’urbanisme pour l’exercice de l’activité prévue. Cette garantie peut s’étendre à la cessibilité du bail, le bailleur s’engageant à ne pas opposer un refus d’agrément fondé sur des motifs d’urbanisme qui existaient déjà lors de la conclusion du bail initial.
Un arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2020 (Cass. 3e civ., n°19-10.844) a validé l’efficacité de ce type de clause, en condamnant un bailleur à indemniser son locataire qui n’avait pu céder son bail en raison de contraintes d’urbanisme préexistantes, couvertes par la garantie contractuelle.
La clause d’adaptation de l’activité
Cette stipulation prévoit la possibilité de modifier l’activité exercée pour la rendre compatible avec d’éventuelles évolutions du PLU. Elle peut maintenir la viabilité du bail et de sa cession en permettant une flexibilité dans la destination des lieux.
Au-delà des clauses contractuelles, certaines démarches administratives peuvent sécuriser la situation :
- Demander un changement de destination des locaux auprès de la mairie
- Solliciter une dérogation aux règles du PLU pour des motifs d’intérêt économique
- Participer aux enquêtes publiques préalables à l’adoption ou à la révision du PLU
La déspécialisation du bail commercial, prévue par les articles L.145-47 et suivants du Code de commerce, offre également une solution. Elle permet au preneur d’adjoindre à l’activité prévue des activités connexes ou complémentaires (déspécialisation partielle) ou de changer totalement d’activité (déspécialisation plénière). Cette procédure peut faciliter l’adaptation aux contraintes du PLU.
Enfin, le recours à un bail dérogatoire, limité à trois ans, peut constituer une alternative prudente pour tester la compatibilité d’une activité avec les règles d’urbanisme avant de s’engager dans un bail commercial de plus longue durée. Cette formule offre davantage de souplesse en cas d’évolution défavorable du PLU.
Solutions pratiques face à l’impasse urbanistique
Lorsque la cession du bail commercial se heurte aux interdictions du PLU, plusieurs voies de sortie peuvent être envisagées. La première consiste à rechercher un accord amiable avec le bailleur pour mettre fin au bail avant son terme. Cette solution, privilégiée par la pratique, permet d’éviter un contentieux coûteux et incertain.
La négociation peut aboutir à différentes formes d’accords :
- Une résiliation anticipée moyennant une indemnité réduite
- Un avenant au bail modifiant l’activité autorisée pour la rendre compatible avec le PLU
- Une cession partielle des droits au bail, limitée aux activités permises par le PLU
Le protocole d’accord ainsi conclu doit être soigneusement rédigé pour éviter toute ambiguïté sur les obligations résiduelles des parties. Un arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 14 septembre 2019 a rappelé l’importance d’une rédaction précise, en annulant un protocole insuffisamment clair sur les conditions de résiliation.
Recours contre le PLU
Le preneur ou le cessionnaire potentiel peut contester la légalité du PLU devant le juge administratif. Ce recours pour excès de pouvoir doit être introduit dans un délai de deux mois suivant la publication du PLU, ce qui limite considérablement son utilité pratique dans la plupart des situations.
Néanmoins, l’exception d’illégalité reste possible sans condition de délai lorsque le PLU sert de fondement à une décision individuelle défavorable. Dans un arrêt du 18 juin 2018, le Conseil d’État a ainsi admis qu’un commerçant pouvait contester par voie d’exception la légalité d’un PLU interdisant son activité, à l’occasion du recours contre un refus d’autorisation d’urbanisme.
Les moyens d’illégalité susceptibles d’être invoqués comprennent :
- Le détournement de pouvoir, lorsque le PLU vise à éliminer certaines activités commerciales sans motif d’urbanisme légitime
- La violation du principe d’égalité, si des restrictions injustifiées ciblent certaines catégories de commerces
- L’erreur manifeste d’appréciation dans le zonage commercial
Demandes de dérogation et adaptations
L’article L.152-4 du Code de l’urbanisme prévoit la possibilité d’accorder des dérogations aux règles du PLU pour permettre « la restauration ou la reconstruction d’immeubles protégés au titre de la législation sur les monuments historiques », « la réalisation de travaux nécessaires à l’accessibilité des personnes handicapées » ou « la reconstruction de bâtiments détruits par un sinistre ».
Bien que ces cas soient limitativement énumérés, certaines communes acceptent d’examiner des demandes de dérogation pour des motifs économiques, particulièrement dans un contexte de revitalisation des centres-villes. Un dialogue constructif avec les services d’urbanisme peut parfois déboucher sur des solutions pragmatiques.
La procédure de révision simplifiée du PLU, prévue à l’article L.153-34 du Code de l’urbanisme, constitue une autre piste lorsque le projet présente un intérêt général. Cette procédure allégée permet d’adapter ponctuellement le document d’urbanisme sans engager une révision complète.
Reconversion et alternatives
Face à l’impossibilité de céder le bail pour l’activité initialement envisagée, la reconversion des locaux vers des usages compatibles avec le PLU représente une solution pragmatique. Cette démarche implique souvent :
- Une étude de marché pour identifier les activités viables et autorisées
- Des travaux d’adaptation des locaux à leur nouvelle destination
- Une modification du bail commercial avec l’accord du bailleur
La sous-location, bien que généralement interdite dans les baux commerciaux sauf autorisation expresse, peut constituer une solution temporaire. Un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 22 novembre 2017 a admis la validité d’une sous-location partielle autorisée par le bailleur, permettant l’exercice d’une activité compatible avec le PLU dans une partie des locaux.
Enfin, la transformation du bail commercial en bail professionnel peut offrir une issue lorsque le PLU autorise les activités non commerciales dans la zone concernée. Cette conversion contractuelle nécessite un accord tripartite entre le bailleur, le preneur initial et le cessionnaire.
Vers une meilleure harmonisation entre droit commercial et urbanisme
Les frictions entre la liberté contractuelle inhérente au bail commercial et les impératifs d’urbanisme appellent à une réflexion renouvelée sur l’articulation de ces deux champs juridiques. Plusieurs pistes d’évolution se dessinent pour parvenir à un équilibre plus satisfaisant.
La première concerne l’amélioration de l’information des acteurs économiques. L’accès aux données d’urbanisme reste souvent complexe malgré les efforts de numérisation. La création d’un portail national d’urbanisme exhaustif et actualisé, prévu par l’ordonnance n°2013-1184 du 19 décembre 2013, constitue une avancée notable mais encore insuffisante.
Une proposition formulée par certains praticiens consisterait à instaurer un certificat de conformité urbanistique préalable à toute signature de bail commercial. Ce document, délivré par l’administration, attesterait formellement de la compatibilité entre l’activité projetée et les règles d’urbanisme en vigueur. Sa valeur juridique sécuriserait les transactions et préviendrait de nombreux litiges.
L’évolution de la jurisprudence tend vers une prise en compte accrue de la bonne foi des parties. Dans un arrêt du 12 mars 2020, la Cour de cassation a considéré que le bailleur qui connaissait l’incompatibilité entre l’activité prévue au bail et le PLU ne pouvait ensuite se prévaloir de cette incompatibilité pour refuser un agrément à la cession. Cette approche fondée sur l’estoppel pourrait se développer dans les années à venir.
Sur le plan législatif, plusieurs modifications pourraient être envisagées :
- L’introduction d’un droit à l’indemnisation des commerçants affectés par un changement de PLU, par dérogation au principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme
- La création d’un droit de délaissement commercial, similaire au droit de délaissement urbain, permettant au preneur de contraindre le bailleur à racheter son droit au bail lorsque le PLU rend son exploitation impossible
- L’instauration d’une période transitoire plus longue lors des changements de PLU affectant des activités commerciales existantes
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a introduit des dispositifs novateurs comme les opérations de revitalisation de territoire (ORT), qui permettent d’assouplir certaines règles d’urbanisme pour dynamiser le commerce de centre-ville. Cette approche plus flexible pourrait inspirer d’autres mécanismes d’adaptation.
Au niveau local, les collectivités territoriales disposent de leviers pour atténuer les conflits entre urbanisme et commerce. L’élaboration concertée des PLU, impliquant les chambres de commerce et d’industrie et les associations de commerçants, favorise la prise en compte des réalités économiques. Certaines communes expérimentent des « comités de médiation » réunissant services d’urbanisme et acteurs économiques pour résoudre les situations de blocage.
L’approche comparative révèle que d’autres pays européens ont développé des mécanismes intéressants. En Allemagne, le système de planification urbaine prévoit une phase de compensation économique obligatoire lorsque les modifications réglementaires affectent significativement les droits acquis des commerçants. En Espagne, la notion de « droits acquis commerciaux » (derechos adquiridos) permet de maintenir certaines activités malgré les changements d’urbanisme.
La digitalisation du commerce et l’émergence de nouveaux modèles économiques hybrides (showrooms, click and collect, espaces de coworking commercial) brouillent les frontières traditionnelles entre les catégories d’activités définies par les PLU. Une modernisation des classifications urbanistiques s’avère nécessaire pour accompagner ces mutations.
Finalement, l’équilibre entre la stabilité nécessaire aux investissements commerciaux et la flexibilité requise pour l’aménagement urbain reste un défi permanent. La résolution de cette tension passe probablement par une approche plus dynamique et concertée de la planification urbaine, où les contraintes réglementaires s’accompagneraient systématiquement de mécanismes d’adaptation et de compensation pour les acteurs économiques affectés.