L’assignation en référé face au péril imminent : Protéger les occupants d’immeubles menacés

Face à un immeuble menaçant de s’effondrer, la procédure d’assignation en référé pour péril imminent constitue un recours juridique d’urgence. Cette action judiciaire permet d’obtenir rapidement des mesures conservatoires pour protéger les personnes et les biens. Dans un contexte où les effondrements d’immeubles font régulièrement la une des médias, maîtriser cette procédure devient fondamental tant pour les propriétaires que pour les locataires ou les collectivités territoriales. Nous analyserons les fondements juridiques, les conditions de mise en œuvre, les acteurs impliqués et les conséquences pratiques de cette procédure qui se situe au carrefour du droit civil, du droit administratif et du droit de l’urbanisme.

Fondements juridiques et cadre légal de l’assignation en référé pour péril imminent

L’assignation en référé pour péril imminent s’inscrit dans un cadre légal précis qui relève à la fois du Code civil, du Code de la construction et de l’habitation et du Code de justice administrative. Cette procédure d’urgence trouve son fondement principal dans l’article L.511-3 du Code de la construction et de l’habitation qui définit la notion de péril imminent comme une situation présentant un danger grave et immédiat pour la sécurité des occupants ou des tiers.

Le référé constitue une procédure judiciaire rapide permettant d’obtenir des mesures provisoires en cas d’urgence. Dans le cas spécifique du péril imminent, l’article 808 du Code de procédure civile autorise le président du tribunal judiciaire à ordonner toutes mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

La jurisprudence a progressivement précisé la notion de péril imminent. La Cour de cassation a notamment indiqué dans plusieurs arrêts que le péril imminent se caractérise par un risque de dommage pouvant survenir à tout moment, sans qu’il soit nécessaire d’attendre la réalisation effective du dommage pour agir. L’arrêt du 6 mars 2013 (3ème chambre civile, n°11-28.928) illustre parfaitement cette position.

Il faut distinguer deux procédures distinctes :

  • La procédure administrative de péril, relevant du pouvoir de police spéciale du maire
  • La procédure judiciaire d’assignation en référé, initiée par toute personne ayant un intérêt à agir

Ces deux procédures peuvent se compléter ou s’exercer indépendamment l’une de l’autre. La loi ELAN du 23 novembre 2018 a renforcé les pouvoirs des maires et a simplifié certaines procédures administratives concernant les immeubles menaçant ruine.

Concernant la compétence juridictionnelle, elle dépend de la nature du litige :

Si le péril concerne un immeuble privé et que l’action est engagée par un particulier contre un autre particulier, le tribunal judiciaire sera compétent. En revanche, si la procédure est initiée par une administration ou contre elle, le tribunal administratif sera généralement compétent, via une procédure de référé administratif.

Le décret n°2019-873 du 21 août 2019 a précisé les modalités d’application des dispositions relatives aux immeubles menaçant ruine. Ce texte a notamment clarifié les rôles respectifs des différents acteurs et a renforcé l’efficacité des procédures.

Enfin, la responsabilité civile du propriétaire d’un immeuble menaçant ruine est engagée sur le fondement de l’article 1244 du Code civil qui établit une présomption de responsabilité du fait des bâtiments. Cette responsabilité peut être recherchée indépendamment de la procédure de péril.

Conditions et critères pour engager une assignation en référé

Pour qu’une assignation en référé pour péril imminent soit recevable et aboutisse, plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies. Ces critères ont été précisés tant par les textes législatifs que par une abondante jurisprudence.

L’existence d’un péril réellement imminent

La première condition, et sans doute la plus décisive, concerne la caractérisation du péril imminent. Ce dernier doit présenter un caractère de gravité et d’imminence réel. Les tribunaux sont particulièrement vigilants sur ce point et exigent des preuves tangibles.

Le péril est considéré comme imminent lorsqu’il existe une menace directe pour la sécurité des personnes ou l’intégrité des biens qui nécessite une intervention rapide. Plusieurs situations peuvent caractériser ce péril :

  • Fissures importantes dans les structures porteuses
  • Affaissement de planchers ou de toiture
  • Instabilité manifeste des façades
  • Infiltrations graves menaçant la solidité du bâtiment
  • Désordres structurels suite à un incendie ou une catastrophe naturelle

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 12 janvier 2017 (3ème chambre civile, n°15-25.239) que « l’imminence du péril s’apprécie au regard de la probabilité de survenance du dommage dans un avenir proche et non en fonction de l’ancienneté de la situation ».

La qualité pour agir

La deuxième condition concerne la qualité pour agir. Peuvent engager une procédure d’assignation en référé pour péril imminent :

Les occupants de l’immeuble (propriétaires, locataires, occupants de bonne foi), les voisins directement menacés par le péril, les syndicats de copropriétaires, le maire de la commune dans certaines circonstances, ou encore toute personne justifiant d’un intérêt à agir.

Le tribunal de grande instance de Paris a rappelé dans un jugement du 15 mars 2016 que « la qualité pour agir en référé pour péril imminent s’apprécie au regard de l’intérêt légitime à la cessation du trouble allégué ».

L’urgence de la situation

L’urgence constitue une condition essentielle du référé. Le demandeur doit démontrer que la situation ne peut attendre la mise en œuvre d’une procédure au fond. Cette urgence s’apprécie concrètement en fonction des circonstances de l’espèce.

Le Conseil d’État a défini l’urgence comme la situation qui « nécessite que des mesures soient prises à très bref délai pour faire cesser un péril ou prévenir un dommage imminent » (CE, 28 février 2001, n°229562).

La nécessité d’une expertise préalable

Dans la plupart des cas, une expertise technique sera nécessaire pour établir la réalité et l’imminence du péril. Cette expertise peut être demandée dans le cadre d’un « référé expertise » préalable à l’assignation en référé pour péril imminent.

L’expert désigné par le tribunal devra évaluer l’état de l’immeuble, déterminer si le péril est réel et imminent, et proposer les mesures conservatoires adaptées. Son rapport constituera une pièce centrale du dossier.

La Cour d’appel de Lyon a souligné dans un arrêt du 5 septembre 2018 que « l’expertise technique constitue un préalable nécessaire à l’appréciation objective du péril allégué, sauf si l’imminence du danger est manifeste et ne nécessite pas de connaissances techniques particulières ».

Ces conditions strictes s’expliquent par le caractère exorbitant de la procédure de référé qui permet d’obtenir rapidement des mesures contraignantes. Les juges veillent à ce que cette procédure ne soit pas détournée pour régler des conflits qui relèveraient d’une procédure au fond.

Déroulement pratique de la procédure d’assignation

La procédure d’assignation en référé pour péril imminent obéit à un formalisme précis et se déroule selon plusieurs étapes bien définies qu’il convient de respecter scrupuleusement pour garantir son efficacité.

Préparation du dossier et éléments de preuve

Avant d’engager la procédure proprement dite, il est indispensable de constituer un dossier solide. Cette phase préparatoire est cruciale car elle conditionne les chances de succès de la demande.

Les éléments à réunir comprennent :

  • Des photographies détaillées des désordres constatés
  • Des témoignages écrits de personnes ayant constaté le péril
  • D’éventuels rapports techniques préexistants (diagnostics immobiliers, audits, etc.)
  • Les correspondances échangées avec le propriétaire ou le syndic concernant les problèmes signalés
  • Toute mise en demeure restée sans effet

Si le danger n’est pas manifeste ou s’il nécessite une appréciation technique, il peut être judicieux de solliciter d’abord un référé expertise (article 145 du Code de procédure civile) pour obtenir la désignation d’un expert judiciaire. Le rapport de cet expert constituera une pièce maîtresse du dossier d’assignation ultérieure.

Rédaction et délivrance de l’assignation

L’assignation est l’acte de procédure par lequel le demandeur invite son adversaire à comparaître devant le juge. Sa rédaction doit être confiée à un huissier de justice, qui la délivrera ensuite au défendeur.

L’assignation doit contenir, sous peine de nullité :

Les coordonnées complètes des parties (demandeur et défendeur), l’indication précise du tribunal judiciaire compétent (celui du lieu de situation de l’immeuble), l’exposé détaillé des faits justifiant l’urgence et le péril imminent, les fondements juridiques de la demande (notamment les articles 808 et 809 du Code de procédure civile et L.511-3 du Code de la construction et de l’habitation), les mesures sollicitées du juge des référés, et la date d’audience fixée préalablement auprès du greffe du tribunal.

Dans les cas d’extrême urgence, une procédure sur « requête d’heure à heure » peut être envisagée. Elle permet d’obtenir du président du tribunal l’autorisation d’assigner à très bref délai, parfois le jour même.

L’audience de référé

L’audience se déroule devant le juge des référés, qui est généralement le président du tribunal judiciaire ou un juge délégué par lui. Elle présente plusieurs particularités :

Elle est contradictoire : toutes les parties doivent pouvoir s’exprimer, même si l’une d’elles ne comparaît pas après avoir été régulièrement convoquée. Elle est orale : les avocats présentent verbalement leurs arguments, même s’ils peuvent déposer des conclusions écrites. Elle est rapide : le juge peut rendre sa décision immédiatement (« sur le siège ») ou mettre sa décision en délibéré pour une courte période.

Lors de l’audience, le demandeur doit démontrer la réalité du péril imminent et l’urgence à intervenir. Le défendeur peut contester ces éléments ou proposer des mesures alternatives.

Si le juge estime nécessaire de s’assurer personnellement de la réalité du péril, il peut ordonner une descente sur les lieux, éventuellement accompagné d’un expert.

L’ordonnance de référé et son exécution

À l’issue de l’audience ou du délibéré, le juge rend une ordonnance de référé. Cette décision peut :

Ordonner les mesures conservatoires nécessaires (évacuation de l’immeuble, travaux d’urgence, étaiement, etc.), désigner un expert pour suivre l’exécution des mesures prescrites, fixer un délai pour la réalisation des travaux, prévoir une astreinte financière en cas de non-exécution, statuer sur les frais de procédure (généralement à la charge du propriétaire défaillant).

L’ordonnance de référé bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit, ce qui signifie qu’elle doit être exécutée immédiatement, même en cas d’appel.

En cas d’inexécution, le bénéficiaire de l’ordonnance peut solliciter le concours de la force publique ou demander une liquidation des astreintes. Dans les cas les plus graves, le maire peut être amené à faire exécuter d’office les travaux prescrits, aux frais du propriétaire.

Rôle et responsabilités des différents acteurs

La procédure d’assignation en référé pour péril imminent mobilise de nombreux acteurs dont les rôles et responsabilités sont clairement définis par la loi. Leur coordination est essentielle pour garantir l’efficacité de cette procédure d’urgence.

Le rôle central du maire

Le maire occupe une position privilégiée dans la gestion des situations de péril imminent. Détenteur du pouvoir de police administrative spéciale en matière d’immeubles menaçant ruine, ses prérogatives sont encadrées par les articles L.511-1 à L.511-6 du Code de la construction et de l’habitation.

Lorsqu’un péril imminent est signalé, le maire peut :

  • Saisir le tribunal administratif pour faire nommer un expert
  • Prendre un arrêté de péril imminent ordonnant des mesures provisoires
  • Faire évacuer l’immeuble et reloger temporairement les occupants
  • Faire exécuter d’office les travaux en cas de carence du propriétaire

Le Conseil d’État a rappelé dans un arrêt du 16 novembre 2016 (n°383393) que « le maire qui s’abstient d’user des pouvoirs qu’il tient de la loi en matière de sécurité des immeubles engage la responsabilité de la commune ». Cette responsabilité peut être recherchée par les victimes en cas d’effondrement ayant causé des dommages.

Depuis la loi ELAN de 2018, les pouvoirs du maire ont été renforcés, notamment avec la possibilité de prononcer des astreintes administratives contre les propriétaires récalcitrants.

Les propriétaires face à leurs obligations

Les propriétaires d’immeubles sont les premiers responsables de leur entretien et de leur sécurité. Ils sont tenus à une obligation de surveillance et de maintien en bon état de leurs bâtiments.

En cas de péril imminent constaté, le propriétaire doit :

Prendre immédiatement les mesures conservatoires nécessaires pour faire cesser le danger, exécuter les travaux prescrits par l’arrêté de péril ou l’ordonnance de référé dans les délais impartis, assumer le coût des travaux et des mesures de relogement éventuelles, indemniser les victimes de dommages causés par son immeuble.

La responsabilité civile du propriétaire peut être engagée sur le fondement de l’article 1244 du Code civil qui établit une présomption de responsabilité du fait des bâtiments. Sa responsabilité pénale peut également être recherchée en cas de mise en danger délibérée d’autrui.

Dans le cas spécifique de la copropriété, c’est le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic, qui est responsable de la conservation de l’immeuble. Les travaux de mise en sécurité constituent des travaux urgents qui peuvent être décidés par le syndic sans vote préalable de l’assemblée générale, conformément à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

Les experts techniques : garants de l’évaluation objective

Les experts techniques jouent un rôle déterminant dans la procédure de péril imminent. Qu’ils soient désignés par le tribunal administratif à la demande du maire ou par le juge des référés à la demande d’un particulier, leur mission est d’évaluer objectivement la réalité et l’imminence du péril.

L’expert doit :

Examiner l’état de l’immeuble dans les 24 heures de sa saisine, établir un rapport circonstancié décrivant les désordres constatés, déterminer si ces désordres constituent un péril imminent, proposer les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité.

L’expertise doit être réalisée contradictoirement, c’est-à-dire que toutes les parties concernées doivent être convoquées aux opérations d’expertise. Toutefois, en cas d’extrême urgence, l’expert peut procéder à ses premières constatations sans attendre la présence de toutes les parties.

Le rapport d’expertise constitue la pièce maîtresse sur laquelle se fonderont le maire pour prendre un arrêté de péril ou le juge pour ordonner des mesures conservatoires.

Les occupants : victimes et lanceurs d’alerte

Les occupants de l’immeuble, qu’ils soient propriétaires ou locataires, sont à la fois les premières victimes potentielles du péril et les premiers à pouvoir donner l’alerte.

Ils disposent de plusieurs voies d’action :

Alerter le propriétaire ou le syndic de copropriété, signaler la situation au maire de la commune, saisir directement le juge des référés, exercer leur droit de rétention sur les loyers en cas de danger grave (pour les locataires).

En cas d’évacuation de l’immeuble, les occupants bénéficient de garanties spécifiques. Les locataires sont dispensés de payer leur loyer pendant la durée d’inhabitabilité des lieux. Les propriétaires occupants peuvent bénéficier d’aides au relogement de la part de la commune.

La loi ELAN a renforcé la protection des occupants d’immeubles frappés d’un arrêté de péril, notamment en ce qui concerne leur droit au relogement temporaire ou définitif.

Effets juridiques et conséquences de l’ordonnance de référé

L’ordonnance rendue par le juge des référés dans le cadre d’une procédure pour péril imminent produit des effets juridiques immédiats et entraîne diverses conséquences tant pour les propriétaires que pour les occupants de l’immeuble concerné.

Force exécutoire et voies de recours

L’ordonnance de référé bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit. Cela signifie qu’elle est immédiatement exécutoire, même si elle fait l’objet d’un recours. Cette caractéristique est particulièrement importante en matière de péril imminent où l’urgence justifie une mise en œuvre rapide des mesures ordonnées.

Les voies de recours ouvertes contre une ordonnance de référé sont :

L’appel, qui doit être interjeté dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance. Cet appel n’est pas suspensif, ce qui signifie que les mesures ordonnées doivent être exécutées malgré le recours. L’opposition, possible uniquement lorsque l’ordonnance a été rendue par défaut (absence du défendeur). Le pourvoi en cassation, qui n’est possible qu’après épuisement des autres voies de recours.

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 4 mai 2016 (3ème chambre civile, n°15-12.454) que « l’urgence justifiant le recours au juge des référés s’apprécie au jour où ce juge statue et non au jour où il est saisi ». Ainsi, même si la situation a évolué entre l’assignation et l’audience, le juge tiendra compte de la réalité du péril au moment où il rend sa décision.

Mesures conservatoires et travaux d’urgence

L’ordonnance de référé peut prescrire diverses mesures conservatoires visant à faire cesser le péril imminent. Ces mesures doivent être proportionnées au danger constaté et peuvent comprendre :

  • L’évacuation totale ou partielle de l’immeuble
  • L’étaiement des structures menaçant de s’effondrer
  • La démolition de parties dangereuses
  • La mise en place de périmètres de sécurité
  • Des travaux d’urgence précisément définis

Le juge fixe généralement un délai d’exécution pour ces mesures et peut assortir son ordonnance d’une astreinte financière pour inciter le propriétaire à s’exécuter rapidement. Le montant de cette astreinte peut atteindre plusieurs centaines d’euros par jour de retard.

La Cour d’appel de Paris a rappelé dans un arrêt du 23 janvier 2019 que « les mesures ordonnées en référé pour faire cesser un péril imminent doivent être strictement nécessaires et proportionnées au danger constaté, sans pouvoir excéder ce qu’exige la situation d’urgence ».

Conséquences sur les baux et contrats d’occupation

L’ordonnance de référé constatant un péril imminent a des conséquences importantes sur les relations contractuelles entre propriétaires et occupants :

Pour les locataires, l’article L.521-2 du Code de la construction et de l’habitation prévoit la suspension du paiement des loyers jusqu’à la mainlevée de l’arrêté de péril ou jusqu’à la complète exécution des travaux prescrits. Les loyers déjà versés pendant cette période peuvent même être remboursés.

Le bail n’est pas automatiquement résilié, mais il est suspendu pendant la durée d’inhabitabilité des lieux. Si l’immeuble doit être démoli ou fait l’objet de travaux de restructuration, le bail peut être résilié de plein droit.

Pour les propriétaires occupants, l’inhabitabilité de leur logement peut les contraindre à un relogement temporaire, avec des conséquences financières significatives, notamment en termes de double charge (remboursement du crédit immobilier et frais de relogement).

Le Tribunal de grande instance de Lyon a jugé le 12 avril 2017 que « l’impossibilité d’occuper un logement suite à un arrêté de péril imminent constitue un cas de force majeure justifiant la suspension des obligations contractuelles des parties ».

Responsabilités financières et prise en charge des coûts

Les conséquences financières d’une ordonnance de référé pour péril imminent peuvent être considérables :

Le coût des mesures conservatoires et des travaux d’urgence incombe en principe au propriétaire de l’immeuble. En cas de copropriété, ces frais sont répartis entre les copropriétaires selon les tantièmes de copropriété, sauf si le péril ne concerne que certaines parties privatives.

Les frais de relogement temporaire des occupants sont également à la charge du propriétaire. Si ce dernier ne s’exécute pas, la commune peut assurer ce relogement et se retourner ensuite contre le propriétaire pour récupérer les sommes avancées.

Les frais de procédure (honoraires d’avocat, d’huissier, d’expert) sont généralement mis à la charge de la partie qui succombe, en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Si le propriétaire ne réalise pas les travaux prescrits dans le délai imparti, la commune peut les faire exécuter d’office, aux frais du propriétaire. Ces frais sont récupérés comme en matière de contributions directes et peuvent faire l’objet d’une inscription hypothécaire sur l’immeuble.

L’assurance habitation ou l’assurance multirisque immeuble peut parfois prendre en charge certains frais liés au péril imminent, notamment lorsque celui-ci résulte d’un sinistre couvert par le contrat (incendie, dégât des eaux, catastrophe naturelle).

Stratégies préventives et recommandations pratiques

Face aux risques juridiques, financiers et humains liés aux situations de péril imminent, la prévention constitue la meilleure approche. Propriétaires, occupants et gestionnaires d’immeubles disposent de plusieurs leviers d’action pour anticiper ces situations critiques.

Surveillance et entretien régulier des immeubles

La première ligne de défense contre le péril imminent réside dans une politique rigoureuse de maintenance immobilière. Les propriétaires et syndics de copropriété ont tout intérêt à mettre en place :

Des visites techniques régulières des parties communes et des éléments structurels du bâtiment. L’idéal est d’établir un calendrier d’inspection qui tienne compte de l’âge et de l’état général de l’immeuble.

Un carnet d’entretien détaillé, recensant tous les travaux effectués et les problèmes identifiés. Ce document, obligatoire pour les copropriétés depuis la loi SRU, constitue une mémoire précieuse de la vie technique du bâtiment.

Des diagnostics techniques préventifs, notamment pour les immeubles anciens. Ces diagnostics peuvent porter sur la structure, les réseaux d’eau et d’électricité, ou encore la présence de matériaux dangereux comme l’amiante ou le plomb.

Un plan pluriannuel de travaux, permettant d’échelonner les interventions nécessaires et d’éviter l’accumulation de désordres pouvant mener à une situation de péril.

La jurisprudence considère que le défaut d’entretien régulier constitue une faute susceptible d’engager la responsabilité du propriétaire ou du syndicat des copropriétaires. La Cour d’appel de Bordeaux a ainsi jugé le 14 septembre 2018 que « l’absence de travaux d’entretien pendant une période prolongée, malgré les alertes répétées sur l’état de dégradation de l’immeuble, caractérise une négligence fautive ».

Réagir aux premiers signes de dégradation

La vigilance face aux signes avant-coureurs de dégradation est fondamentale pour prévenir l’évolution vers un péril imminent :

  • Les fissures, même légères, doivent faire l’objet d’un suivi attentif, idéalement avec des témoins permettant de mesurer leur évolution
  • Les infiltrations d’eau doivent être traitées rapidement, car elles peuvent fragiliser durablement les structures
  • Les affaissements de plancher ou les déformations visibles doivent immédiatement alerter
  • Les bruits anormaux (craquements, grincements) peuvent signaler des mouvements structurels inquiétants

Face à ces signes, il est recommandé de faire appel sans délai à un professionnel du bâtiment (architecte, ingénieur structure, expert en bâtiment) pour une évaluation technique. Cette démarche préventive permet souvent d’éviter l’aggravation des désordres et l’apparition d’un péril imminent.

Le Tribunal de grande instance de Marseille a rappelé dans un jugement du 7 mars 2017 que « la négligence face aux premiers signes de dégradation constitue une imprudence caractérisée pouvant engager la responsabilité pénale du propriétaire en cas d’accident ultérieur ».

Anticipation financière et couverture assurantielle

La dimension financière est souvent un frein à la réalisation des travaux nécessaires. Pour y remédier, plusieurs solutions existent :

Pour les copropriétés, la constitution d’un fonds de travaux obligatoire (minimum 5% du budget annuel) permet de disposer d’une réserve financière mobilisable rapidement en cas de besoin.

Les aides financières de l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) ou des collectivités territoriales peuvent soutenir les propriétaires aux ressources modestes dans la réalisation de travaux de sécurisation.

Une couverture assurantielle adaptée est indispensable. L’assurance multirisque immeuble doit couvrir non seulement les dommages aux biens, mais aussi la responsabilité civile du propriétaire en cas de dommages causés à des tiers. Certaines polices proposent des garanties spécifiques pour les frais de relogement ou les pertes de loyers consécutifs à un sinistre.

Le prêt collectif pour les copropriétés peut faciliter le financement de travaux importants en répartissant la charge financière sur plusieurs années.

Collaboration avec les autorités locales

La prévention des situations de péril passe également par une collaboration constructive avec les autorités locales :

Les services d’urbanisme des mairies peuvent souvent proposer des conseils techniques et orienter vers les dispositifs d’aide appropriés.

Dans certaines communes, des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) ou des programmes de rénovation urbaine peuvent inclure des aides spécifiques pour la sécurisation des immeubles anciens.

Le maire dispose d’un pouvoir de police spéciale en matière d’immeubles menaçant ruine, mais ce pouvoir peut s’exercer de manière préventive, sans attendre une situation de péril avéré. Un dialogue en amont avec les services municipaux peut permettre d’identifier des solutions avant que la situation ne se dégrade.

Les architectes des bâtiments de France peuvent apporter leur expertise pour les immeubles situés dans des zones protégées et proposer des solutions respectueuses du patrimoine.

Cette approche préventive et collaborative s’inscrit dans une logique de responsabilisation de tous les acteurs concernés par la sécurité des immeubles. Elle permet d’éviter le recours à des procédures contentieuses coûteuses et traumatisantes, tout en garantissant la sécurité des occupants et des tiers.